Pour bien pratiquer le Judo, il est important de saisir le judogi à deux mains.
Au mois d’avril 1999, nous étions en stage au Japon avec un groupe d’une cinquantaine d’enseignants français. Parmi les intervenants japonais nous avons pu interroger messieurs Shozo FUJI (4 fois champion du monde et professeur de Judo), M. YAMAMOTO (3e aux championnats du monde 1961 à Paris, le plus ancien professeur de TENRI actuellement), M. Shinji HOSOKAWA (champion du monde 1985 et champion olympique 1984, entraîneur national), M. Kiyoshi MURAKAMI (ex entraîneur de l’équipe de france et cadre de la fédération japonaise de judo). Nous leur avons posé une simple question :
“Pourriez vous nous dire ce qui fait l’originalité de l’école de judo de Tenri, qui est célèbre dans le monde entier” ?
Monsieur YAMAMOTO à surtout insisté sur la nécessité de la position shizentai. Mais M. FUJI a dit que à TENRI les professeurs de judo insistaient beaucoup pour que les élèves adoptent un Kumi Kata à deux mains!
Il a notamment cité Tadahiro NOMURA et SHINOHARA qui ont tous deux obtenus des performances de niveau mondial et qui ont démontré l’efficacité d’un “judo classique” avec une saisie à deux mains. Shinji HOSOKAWA et Kiyoshi MURAKAMI ont aussi insisté sur l’importance de cette garde associée à une bonne position.
Comme toujours en judo c’est en approfondissant à travers la pratique personnelle, seule réalité, que l’on pourra se saisir de cette connaissance et l’éprouver, avant d’en filtrer sans doute beaucoup plus tard une compréhension, une analyse plus personnelle.
Lorsque vous saisissez il faut tendre la toile du judogi en modulant la force que vous concentrez dans vos mains et vos poignets. Vos bras et vos épaules doivent être à la fois souples et fermes afin d’être en mesure de fixer le partenaire et l’instant d’après de le laisser libre. Ou encore de donner des impulsions sur le haut du corps de l’adversaire par pressions ou par tractions. Vos mains sont ainsi devenues des capteurs. L’intention tactique comme toujours indissociable de la précision technique vous conduit à contrôler les points forts de l’adversaire tout en organisant, en installant votre propre Kumi Kata. Cette stratégie vous permet de conserver une grande mobilité et disponibilité dans l’opposition. Au delà de la période d’initiation vous associerez de plus en plus les notions de posture, saisie et déplacement.
Ces trois fondamentaux du judo lorsque vous les maîtriserez suffisamment, vous permettront de vous adapter aux style de vos différents “partenaires / adversaires” au cours du randori ou du shiai, en jouant habilement sur les variations de distance.
En réalité que se passe t-il? Vos mains jouent le rôle de capteurs, et votre posture droite, alignée, vous permet d’évaluer en permanence l’évolution des changements de distance au cours des échanges. Elle vous permet aussi une vision large et périphérique de la situation d’opposition, et un certain degré de liberté par rapport à votre verticalité.
Toutes ces informations sensori motrices vous renseignent en permanence sur les actions et intentions de l’adversaire.
Leur perception va vous permettre d’agir en anticipant telle réaction ou tel déplacement du partenaire.
C’est donc à partir d’une bonne garde et avec un bon déplacement que le judoka va acquérir une sensibilité particulièrement fine autour de l’équilibre, du mouvement, de la perception de l’autre et c’est sans doute cette forme d’intelligence motrice, intelligence du corps qui donne à notre discipline une telle richesse.